(A mi-chemin des Bienveillantes, et emporté par un plaisir de lecture que d'aucuns qualifieraient de coupable, voici quelques premières réflexions concernant le phénomène littéraire qu'est devenu à très juste titre Jonathan Littell.)
300 000 volumes vendus pour l'instant, un immense succès critique allant jusqu'au délire (le Tolstoï français !), le prix de l'Académie Française, le prix Goncourt... et comme il se doit quand on a trop de succès en France, les habituelles Malveillantes qui tentent de l'abattre. De ce livre qui s'impose comme l'un des plus puissants romans français sur la Shoah, sinon le seul, on a dit qu'il était révisionniste, puis apocryphe, puis copié collé, puis mal écrit, puis illisible, puis racoleur, puis révisionniste - le prix de la critique la plus perfide (et la plus ahurissante) revenant évidemment à Christine Angot qui lors de l'émission de FOG sur la Cinq [voir http://www.dailymotion.com/visited/search/christine%20angot%2C%20sarkozy/video/xg89n_chez-fog-nicolas-sarkozy], éructa que si Les Bienveillantes avaient autant de succès, c'était parce que son auteur était juif (!), et que "cela faisait jouir les gens d'avoir un nazi juif" (!!), qu'elle "ne jouissait pas" (!!!) mais considérait qu'un écrivain véritable n'a pas le droit d'écrire "ça" (!!!!), le tout face à un Nicolas Sarkozy éberlué, d'origine juive lui-même, et se retrouvant dans le rôle avantageux du défenseur de la liberté d'expression doublé de celui du lecteur éclairé !
En fait, le seul défaut que l'on pourrait trouver à ce roman de neuf cent pages, et qui m'a taraudé les deux cent premières, est qu'il était peut-être mieux édité qu'écrit (comme on dit d'un film qu'il est mieux produit que réalisé). Tout y est en effet trop parfait, trop équilibré, et donc apparemment trop attendu : le bruit et la fureur, le sang et la neige, les balles qui sifflent et le silence de la steppe, les massacres et les violons, les réflexions platoniciennes devant les exécutions, la petite fille de quatre ans qui prend la main du monstre, les secrets sexuels qui remontent, les madeleines en plein carnage, la déshumanisation de rigueur du héros principal - lui-même nazi exemplaire, Waffen SS, participant zélé des redoutables Einsatzgruppen puis cadre à Auschwitz, esthète, homosexuel, mélomane, linguiste, philosophe, moraliste, "viscontien" en un mot, tellement brillant et torturé d'ailleurs qu'il relève moins du nazi ordinaire, petit fonctionnaire du mal, cher à Hannah Arendt que de ce "nazi bien trop subtil" stigmatisé par Libération, qui semble comprendre en direct tout ce qu'il vit. Ce Maximilien Aue est en effet autant un nazi qu'un spécialiste du nazisme - qui parle comme s'il avait lu Raoul Hilberg, Ian Kershaw et Primo Levi, qui analyse l'hitlérisme mieux que ses collègues et qui vomit trop régulièrement ses intestins et son dégoût pour en être vraiment - donnant du coup l'impression que "les vrais nazis", les vrais barbares, sadiques et médiocres, ce sont toujours les autres et jamais lui. Lui est une sorte de Stavroguine ou d'Electre à la croix gammée, plus nihiliste que nazi, qui se répète toutes les trois cent pages la fameuse phrase de Sophocle, à savoir que "le seul bienfait en ce monde est de ne pas naître." Qu'importe alors ses rencontres "significatives" avec les stars de l'époque ! Qu'il prenne le thé avec Heydrich, soit décoré par Himmler, discute le coup avec Eichmann et, je n'en suis pas encore là, croise le Führer lui-même, il reste "l'étranger" de "l'équarrissoir", "l'intello compliqué" (p 223) des charniers, sans doute aussi criminel que les autres mais moins répulsif qu'eux et indéniablement plus "classieux" (qu'on le compare à l'hystérique Blobel ou bien à la brute Tureck, "un des rares antisémites viscéraux, obscènes" avec qui il risquera un duel) De plus, l'auteur a eu la bonne idée de faire de lui un franco-allemand, ce qui permet de lui faire fréquenter le tout Paris et rencontrer Céline, Rebatet et les autres. Bref, Aue apparaît comme un témoin trop chargé de son temps. Mais est-ce un défaut que de faire d'un unique personnage une figure tutélaire du mal ? Après tout, Céline n'avait-il pas fait de Bardamu le témoin idéal des tranchées, de l'Amérique, de l'Afrique et des banlieues parisiennes ?
L'autre accusation, plus morale que littéraire celle-là, serait que Littell confond douteusement la monstruosité singulière du nazisme avec la monstruosité particulière de son héros, incestueux et matricide, pour ne pas dire homosexuel [comment la communauté gay a reçu le roman, c'est ce que je voudrais bien savoir], réduisant par là-même les crimes du nazisme aux crimes "mythiques" de l'humanité. C'était déjà la polémique provoquée par le film d'Olivier Hirschbiegel sur Adolf Hitler, La Chute et dont le traitement tragico-mythique (madame Goebbels en Médée) apparaissait pour les plus mal embouchés de nos critiques comme un crime de déontologie culturelle. Quelle pitoyable idée de la culture ces cultureux n'avouèrent-ils pas là ! N'est-ce pas au contraire ce qui peut arriver de mieux à l'Histoire (c'est-à-dire à la souffrance des hommes) que d'être comprise sur le mode de la tragédie grecque ou celui de la Bible ? Est-ce révisionniste que de lire le récit d'un nazi à travers les Atrides, Oedipe ou le sacrifice d'Isaac par Abraham ? Et la littérature n'est-elle pas là pour affirmer, signifier, éterniser un événement de cette ampleur et de cette horreur ? La littérature, lieu de l'antinégationnisme par excellence ? Je le crois. Au contraire, dans Le Point de la semaine dernière, le philosophe juif autrichien, rescapé d'Auschwitz, Jean Amery, se plaint que "le IIIème Reich de Hitler sera bientôt simplement de l'Histoire, ni pire ni meilleure que d'autres époques dramatiques, un Reich sanguinaire, certes, mais qui avait aussi sa vie quotidienne. Hitler, Himmler, Goebbels, Heydrich deviendront des noms comparables à Napoléon, Robespierre ou Saint-Just". Comme Claude Lanzmann, comme tous les gardiens du temple du plus grand crime de l'histoire contemporaine, Amery croit que rendre la vie quotidienne du nazisme banalise ce dernier... alors que c'est le contraire qui est vrai ! Aujourd'hui, c'est l'Hitler des documents revus cent cinquante fois qui nous paraît banal et c'est l'Hitler qui prend son petit déjeuner qui nous réapparaît terrifiant ! Plus c'est normal, plus c'est atroce ! Plus le bourreau nous ressemble, plus nous ressentons ce qu'il est ! Et il a bien compris ça, Littell, avec sa première phrase, l'incipit le plus saisissant qui ait été donné de lire dans un roman contemporain :
"FRERES HUMAINS, LAISSEZ-MOI VOUS RACONTER COMMENT CA S'EST PASSE. On n'est pas votre frère, rétorquerez-vous, et on ne veut pas le savoir. Et c'est bien vrai qu'il s'agit d'une sombre histoire, mais édifiante aussi, un véritable conte moral, je vous l'assure. Ca risque d'être un peu long, après tout il s'est passé bien beaucoup de choses, mais si ça se trouve vous n'êtes pas trop pressés, avec un peu de chance, vous avez le temps. Et puis ça vous concerne : vous verrez bien que ça vous concerne."
Les voici les deux raisons scandaleuses (et toutes simples) des Bienveillantes : 1) la fiction qui donne plus de réalité à la réalité que la réalité, 2) l’emploi du "je" qui agit comme un "tu" ou un "vous" et qui en défrise certains. Re-création et introjection. Avec ce doublet, Littell réinvente la littérature, la vraie, celle qui nous donne à dépasser la connaissance "objective" de l'Histoire et nous force à voir celle-ci dans son innommable nudité. Dès lors, toutes les barrières tombent et Les Bienveillantes commencent à nous faire vibrer. On faisait la fine bouche ? On déclarait tranquillement que celles-ci n'étaient qu'une dissertation historico-philosophique de premier de la classe ? Un voyage au bout de la nuit en Orient-Express ? On prétendait que ce Jonathan Littell n'était rien d'autre qu'un "best of" de Robert Merle + Primo Lévi + George Steiner + William Styron ? Il faut se rendre à l'évidence. C'est la première fois qu'on lit un truc pareil ! Et qu'on lit avec avidité, fascination, répulsion, toujours étonné par ce que l'on était censé connaître. Chez Littell, le stéréotype devient prototype, le déjà vu une surprise, et la compile une savante symphonie à la Gustav Mahler, puissante, organique, obsédante... Parfois trop longue mais dont on se rend compte que les longueurs participent aussi à la narration, ne serait-ce que pour nous apaiser entre deux horreurs. Et l'on se met à adorer ce livre qui fut, faut-il le rappeler, un succès de librairie bien avant que la presse ne s'en empare. Comme si "le public" attendait quelque chose comme ça - "le grand roman français sur le nazisme" qui ne soit pas l’énième réflexion sur l'Holocauste et qui ose sans complexes et sans complaisance le point de vue du bourreau. Le plus incorrect mais aussi le plus humain. Cela aussi est faussement à la mode. On en parle souvent, mais on le réalise très peu. Car on a beau admettre du bout des lèvres, comme ça, théoriquement, que le nazisme, ça pourrait être nous, quand un auteur ose se mettre dans la peau d'un SS et nous interpelle comme "frères humains", bien de bonnes âmes ne sont plus d'accord. De Houellebecq à Littell, en passant par le Shakespeare de Richard III (et sans oublier l'Alex d'Orange mécanique qui nous appelait aussi ses "frères et seuls amis"), l'introjection du narrateur sur le lecteur n'est jamais allée de soi et pour nombre de coeurs purs (... purs pour eux), cette fraternité imposée est rédhibitoire. - Non, nous ne sommes pas votre frère de camp ni votre cousin de déprime, arrêtez de parler en notre nom, arrêtez de nous mêler dans votre mauvaise littérature, hurle de toute éternité le mauvais lecteur, celui qui refuse de se reconnaître dans un des personnages de la Divine Comédie ou de la Comédie Humaine. Insupportable d'être pris à partie par un salopard d'écrivain qui nous force à participer à son petit jeu pervers ! Aussi insupportable que l'autre grand thème du livre - la haute culture mélangée à la barbarie, "vieille" théorie steinerienne qu'on croit admise partout alors qu'elle n'a que rarement été mise en scène. Le scandale avant, c'était de dire que le bourreau était un homme ordinaire. Le scandale, aujourd'hui, c'est de dire que le bourreau est un intellectuel brillant. Regardez nos terroristes islamistes, que des universitaires ! Enfin, dans un monde déchristianisé comme le nôtre, si la culture n'est plus facteur d'hominisation et d'humanisme, que nous reste-t-il pour être des "frères humains" ? Ne serions-nous hommes plus que dans le mal comme semble ironiser Littell ? Tout cela est désespérant.
Et puis, il y a autre chose. Jusqu'à présent, seuls ceux qui avaient connu, sinon vécu, cette période, avaient autorité sur la question. Au risque de dire un "gros mot", ces Bienveillantes sont à leur manière le roman d'une génération, la nôtre, la mienne, celle qui a commencé à se débarrasser de tout le sacré que l'on a mis pendant soixante ans autour de cette affaire (Adorno, Lanzmann). C'est qu'on ne pouvait parler que d'une façon religieuse de la Shoah. Surtout pas de blague, pas d'oeuvre, pas d'image - c'était le seul événement interdit de représentation. Des films ébranlèrent ce pesant credo : La liste de Schindler, La vie est belle et La chute déjà citée. Littell est dans cette tendance. Avec lui, Auschwitz est enfin devenue une fiction, oserait-on dire - une fiction, c'est-à-dire une histoire éternelle, "un conte moral", une tragédie grecque, un poème de Celan. Loin de diluer le nazisme dans l'histoire indifférente, Littell assure au contraire la transmission artistique idéale, "eschyléenne", du XXIème siècle - sans laquelle le nazisme risquait précisément de devenir un événement comme un autre. Comme le dit l'excellent JLK sur son blog, nous avons affaire avec Les Bienveillantes avec "un changement de registre mémoriel". Le "devoir de mémoire" sera désormais de moins en moins officiel et de plus en plus romanesque et, contrairement à ce que pensent les nigauds "vingtièmistes" du sanctuaire, trouvera dans la recréation littéraire ou cinématographique sa pérennité. Il en fut toujours ainsi : qui se rappellerait de la guerre d'Espagne sans Guernica de Picasso ? Ou Napoléon en Russie sans Guerre et paix ?
Certes, il ne faut pas exagérer les comparaisons. Littell n'est sans doute ni Tolstoï, ni Céline ni Vassili Grossmann mais Thomas Mann, Boris Pasternak et Henri Barbusse ne le sont pas non plus, et c'est à leur côté que Littell trouve sa très éminente place. Ni métaphysicien révolutionnaire, ni styliste génial, ni blessé de l'histoire, mais un récitant hors pair qui a le sens de l'épopée comme de la dramaturgie, du réalisme comme de la fantasmagorie - qu'on relise le final hallucinant de la Courante (pp 375-395) et qu'on ose redire qu'il est un mauvais écrivain. De toutes façons, comme il le déclare lui-même dans Le monde des livres de cette semaine : "un texte très mal écrit peut se révéler de la grande littérature, quant un autre, pourtant très bien écrit, n'est pas de la grande littérature. Il faut juger un livre en fonction de ses objectifs, de ses exigences propres et non par rapport aux autres livres." Et de rajouter avec une humilité et un sens aigu de l'excellence littéraire qui l'honorent que le vrai combat d'un livre ne se situe pas contre les autres livres mais bien contre lui-même : "mon livre est contre lui-même, il travaille contre sa propre exigence, qu'il n'atteindra sans doute jamais". Chapeau Jonathan ! Sauf que si le style le plus accompli est celui qui se met au service de l'histoire et non au service de lui-même, alors vous êtes est le plus grand des stylistes. Enfin un écrivain qui ne se regarde pas écrire ou qui ne considère pas son écriture comme "pensante" ! Voilà qui nous change autant des petits nombrils germano-pratins que des gros méta-cerveaux cyber-incorporés ! Au diable cette littérature d'intention qui a plus d'idées que de mots ! Les seules intentions de Littell sont narratives et croyez-moi, il a les moyens de nous faire aimer son livre, ce petit ! Déjà des scènes inoubliables : le premier charnier de Aue (p 39), le petit juif Yakov que l'on garde parce qu'il est pianiste... et que l'on exécute après qu'il ait eu la main écrasée en maniant un cric (p 92 et 103), l'appel au secours déchirant des Juifs que l'on vient d'enfermer pour la première dans « le camion Saurer », chambre à gaz ambulante, « Chers Allemands ! Chers Allemands ! Laissez-nous sortir ! »(p 166), l'extraordinaire moment, "dostoïevskien" s'il en est, de l'érudit tchétchène qui vient se rendre aux nazis, demander son exécution et qui avant que Aue ne l'abatte, rappelle à celui-ci les trois attitudes possibles devant la vie :
"D'abord l'attitude de la masse, hoï polloï, qui refuse simplement de voir que la vie est une blague. Ceux-là n'en rient pas, mais travaillent, accumulent, mastiquent, défèquent, forniquent, se reproduisent, vieillissent et meurent comme des boeufs attelés à la charrue, idiots comme ils ont vécu. C'est la grande majorité. Ensuite, il y a ceux, comme moi, qui savent que la vie est une blague et qui ont le courage d'en rire, à la manière des taoïstes ou de votre Juif. Enfin, il y a ceux, et c'est si mon diagnostic est exact votre cas, qui savent que la vie est une blague, mais qui en souffrent." (p 267)
Un nazi qui souffre - quoi de plus obscène et quoi de plus réel ? Le réel, c'est ce qui est à la fois évident et scandaleux, immanent et immonde, tautologique et singulier. Ainsi du télescopage perpétuel (aussi naturel qu'o combien amoral !) que le héros fait entre l'holocauste et sa vie privée : ces photographies de déportés qui se mettent en écho avec les photographies familiales (p 122), ou ce groupe de juifs que l'on pend et qui lui rappelle le collégien abusé par les prêtres et qui s'était pendu dans son école catholique (p 161) - l'enfance plus traumatisante que les charniers ? Seuls ceux qui n'ont pas vécu ne seront pas d'accord. Où Kierkegaard dit-il que pour un individu les événements intérieurs importent plus que les événements extérieurs ? On peut exterminer vingt mille personnes (épisode Kiev) et pleurer sa soeur incestueuse. On peut être barbare et déprimer de sa barbarie. L'angoisse existentielle des SS qui finissent par n'en plus pouvoir de leurs propres tueries, obligeant Himmler, Eichmann et les autres à envisager quelque chose d'autre qu'ils ne peuvent encore nommer mais dont ils commencent à comprendre, non sans appréhension, qu'elle est l'aboutissement nécessaire, "ontologique", de leur système. Voilà ce que l'on a si rarement décrit. La progressive prise de conscience de la "solution finale" par les nazis eux-mêmes et qui leur fait peur.
"« Puis-je vous poser une question, Herr Doktor » - « Fais, fais mon petit. » - « Quel est votre rôle dans tout ceci, au juste ? » - « A Leland et moi, tu veux dire ? C’est un peu difficile à expliquer. Nous n’avons pas une position bureaucratique. Nous… Nous nous tenons aux côtés du Führer. Vois-tu, le Führer a eu le courage et la lucidité de prendre cette décision historique, fatale ; mais, bien entendu, le côté pratique des choses ne le concerne pas. Or entre cette décision et sa réalisation, qui a été confiée au Reichsführer-SS, il y a un espace immense. Notre tâche à nous consiste à réduire cet espace. Dans ce sens, nous ne répondons même pas au Führer, mais plutôt à cet espace. » - « Je ne suis pas certain de tout à fait comprendre. Mais qu’attendez-vous donc de moi ? » - « Rien, si ce n’est que tu suives le chemin que tu t’es toi-même tracé, et jusqu’au bout. » - « Je ne suis pas vraiment sûr de ce qu’est mon chemin, Herr Doktor. Je dois réfléchir. » - « Oh, réfléchis ! Réfléchis. Et puis appelle-moi. Nous en rediscuterons. » Un autre chat essayait de monter sur mes genoux, laissant des poils blancs sur le tissu noir avant que je ne le chasse." (p 422)
... Il y a une terreur froide qui émane de ces pages mais qui ne sombre jamais dans la complaisance. Justesse souveraine de Jonathan Littell. On n'a pas dit assez que Les Bienveillantes étaient un livre d'une rare probité qui arrive à respecter à la fois le détail et la distance. Par exemple quand il décrit une scène où un nazi fracasse la tête d'un nouveau-né contre le coin d'un poele (p 149). Tenez, moi-même en rapportant cette scène, il y a quelque chose d'un peu immature. Littell lui ne l'est jamais. A la manière d'un William Faulkner, son écriture atteint cet équilibre apollinien dans l'immonde. Aucun arrêt sur l'horreur. Le mouvement du texte l'emporte sur les morts. Et comme dans tous les grands livres, la mort renvoie à la vie, la représentation de l'horreur redonne de l'énergie, le dégoût du monde se transforme en amour. Les Bienveillantes assurent la transsubstantiation artistique de Thanatos en Eros. Alors, oui, impossible de ne pas devenir littellien.
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PISTES A SUIVRE :
Interview de Jonathan Littell dans Le monde : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-835008@51-835100,0.html
Livres et disques préférés de l'auteur sur le site de Gallimard : http://www.gallimard.fr/lesbienveillantes/
"Un nazi bien trop subtil" (Libération) : http://www.liberation.com/opinions/rebonds/215896.FR.php
"Un canular déplacé" (Le figaro) : ttp://www.lefigaro.fr/debats/20061108.FIG000000047_les_bienveillantes_un_canular_deplace.html
Critique (positive) de Télérama : http://www.telerama.fr/livres/M0608181443450.html
Carnets de JLK : http://carnetsdejlk.hautetfort.com/les_bienveillantes/